- Depuis que nous sont parvenues des nouvelles, des bribes d’évènements et des témoignages qui ont jalonné son histoire, le Maroc semble en perpétuel combat et lutte pour la survie contre les multiples épidémies et leurs conséquences catastrophiques auxquelles il a, par tout temps, fait face. En effet des 500 ans avant le Christ et jusqu’à présent, il n’a pas manqué d’être la proie de tous ces fléaux, allant de toutes sortes de ‘’PESTES’’, ‘’PESTES NOIRES’’ ou ‘’MORT NOIRE’’ (appellations données à toutes les épidémies non définies), passant par la peste, la lèpre, la variole, etc. et arrivant au Virus du Covid-19 qu’il vit depuis fin 2020. Sa position géographique ne met le pays à l’abri de ce qui arrive des quatre coins du Monde, à commencer par son proche environnement du contour méditerranéen.
- Cette multitude d’épidémies a donné lieu, dans l’imaginaire du commun des mortels, à d’autant d’explications que de raisons et de spéculations, religieuses, politiques et scientifiques.
- Ce qui est sûr, c’est que ces fléaux (dont la peste est la plus retentissante) ont bien contribué à des changements dans le cours de l’histoire de l’humanité, à la chute de bien d’Empires, à des changements de civilisations et de régimes politiques, économiques, sociaux et culturels.
- Mais, le Maroc au vu de sa situation géographique stratégique, baigné par 2 mers, sa proximité avec 3 continents, est favorablement situé pour le bien comme pour le mauvais. Le bien, grâce à ses frontières ouvertes, c’est la communication, l’enrichissement et les échanges avec toutes les civilisations qui l’entourent et qui y sont passé et qui continuent toujours de passer. Quant au mauvais côté, c’est qu’il n’est pas à l’abri des catastrophes, des mauvaises expériences et aventures, des envies dont il est la proie. C’est le cas de tous les fléaux et des épidémies qui lui viennent de son proche environnement comme du lointain. C’est aussi le cas des tentatives de colonisation des puissances, en mal d’expansion, de ressources en tout genre (y compris de main d’œuvre et de soldats sous-payés et facile à exploiter) et de marchés pour écouler leurs produits. Et le plus souvent, il est surpris et mal préparé, des fois manque de bonne vision et de gestion de crise (par manque d’information, de moyens et d’expérience), le pays et sa populations paient souvent un lourd tribut et peinent à se relever de ses cendres.
Mais, le pays, tel un Phénix, peut-il toujours être cet oiseau magique qui renait de ses centres ? Encore plus reluisant et de plus en plus fort, tel père tel fils et peut-être en mieux ? Tel est son défi de toujours… Le survol de son histoire face à tous les évènements, parfois dramatiques, nous éclaira au mieux sur cette question. (voir note d’explication sur le phénix en annexe).
- A travers le Monde, depuis l’antiquité…les pestes connues.
- La ‘’peste d’Athènes’’, prétendue venue d’Orient et qui s’est répandue en Occident, a fait d’énormes victimes et est restée l’un des symboles les plus forts de ces fléaux qui ont frappé les sociétés humaines. Rappelons que la Grèce Antique a été frappée par une succession de vagues d’épidémies dues vécues durant les saisons chaudes et sèches entre 430 et 426 avant J.C. Thucydide, dans le Livre II de son histoire de la guerre du Péloponnèse, dans un texte qui a fait pendant longtemps débat et attire l’intérêt des philosophes, historiens et médecins. Plusieurs dizaines de milliers de personnes (entre un quart et un tiers du total, parmi lesquelles se trouvait le philosophe Périclès) y périrent sur une population globale de 200.000 habitants de la ville-Cité, qui accueillait en son sein les habitants des campagnes avoisinantes,, en guerre contre l’autre –Cite de Sparte. Soumise à l’embargo et subissant la rareté des vivres, le manque d’hygiène et la promiscuité des populations. Cette catastrophe aurait marqué la fin d’une belle époque. Selon les spécialistes, cette ‘’Peste’’ serait probablement le Typhus.
Pyramide Kheops - La Peste en Egypte (qui y éclate en 541, venant probablement, selon certains historiens, d’Ethiopie, dont l’origine est probablement l’Asie, en empruntant la Route de la Soie, selon des historiens modernes), qui a sévi dans le pays, sous domination romaine, entre 541 et 767 après J.C. Elle fut terrible, sou forme de cascades successives d’épidémies, et se propagea dans tout le bassin méditerranéen, atteignant même Constantinople (en 542, faisant 10.000 victimes par jour), en passant par la Palestine et la Syrie et fera de nombreuses victimes et à plusieurs reprise en Italie (le pape Pélage II, atteint à son tour, meurt le 8 février 590 à Rome), mettant les habitants de la ville de Rome au comble de la terreur) sera l’une des victimes. La croyance populaire chez les chrétiens de Byzance et chez ceux du reste du monde chrétien, croyait l’heure de la fin du monde et de l’Apocalypse arriver. Plus tard, chez les musulmans après 620, la croyance en la fatalité et l’intervention de Dieu, pour punir les infidèles, étaient les raisons par lesquelles on expliquait ces fléaux. Des vestiges viennent d’être révélés dernièrement par les fouilles d’une équipe de chercheurs italiens à Louxor où un dispositif d’incinération des victimes par le feu et la chaux, a été découvert. Cette peste est surnommée la ‘’Peste Justinienne’’ car elle survient pendant le règne de Justinien *.
(* : Source : Wikipédia, consulte le 5 Septembre 2021. Justinien Ier ou Justinien le Grand est né vers 482 à Tauresium, près de Justiniana Prima en Illyrie, et mort le 15 novembre 565 à Constantinople, est un empereur romain d’Orient ayant régné de 527 jusqu’à sa mort. Il est l’une des principales figures de l’Antiquité tardive. Que ce soit sur le plan du régime législatif, de l’expansion des frontières de l’Empire ou de la politique religieuse, il a laissé une œuvre considérable.
D’origine modeste, Justinien est souvent considéré comme le plus grand empereur de l’histoire de l’Empire byzantin ou encore comme le dernier grand empereur romain. Il a tenté de faire perdurer l’héritage de Rome en essayant de ‘’restaurer l’Empire’’ avant que celui d’Orient ne se différencie de l’Occident et ne finit par s’en séparer.).
- Si l’Europe continentale n’aura connu la peste que du 14e au 18e siècle, celle-ci est déjà connue dans le contours méditerranéen dès le 3ème siècle avant J.C, notamment sur les côtes des rives africaines et asiatiques de la méditerranée (de Carthage, Liban d’abord, puis l’Egypte, la Palestine, la Lybie, la Syrie en 127 avant J.C arrivant jusqu’à Constantinople, et de nouveau au 6ème siècle, longeant, cette fois-ci, les voies de commerces maritimes à travers l’Europe, sans jamais atteindre complètement son territoire continental. Néanmoins, en réalité la Peste commence par sévir en Espagne en 542, en Italie en 543 et durera 2 siècles consécutifs, avec 15 poussées, jusqu’en 767, disparaitra durant 6 siècles (sans explication connue) et refait subitement surface en Crimée et à Gènes en 1347, en Angleterre, en Allemagne et dans les pays nordiques et scandinaves en 1352 (Moscou y compris). Elle fera disparaitre entre un quart et un tiers de la population (de 25 à 40 millions de personnes) et restera dans l’histoire connue sous le nom de « Mort noire». Les pestiférés, les puces et les rats étaient les principaux vecteurs de transmission de cette pandémie, considérée la 2ième des plus terrifiantes en Occident.
- Et en Occident, avec l’urbanisation, les changements de mode de production et de vie des populations, la sédentarisation et la forte densité des habitants, le peu d’hygiène et la multiplication des parasites et des bactéries, les maladies et les problèmes liés à la santé , faisaient leur apparition, selon ce nouvelle mode vie. Ces différents fléaux vont se succéder, en faisant d’innombrables victimes au sein des populations, au fil des siècles jusqu’à la fin du 19ième et le début du 20ième siècle. Il s’en suivra depuis lors le temps des grippes, comme la fameuse ‘’grippe espagnole’’, survenue en 1918 et qui fera de nombreuses victimes, en se propageant même dans les autres pays du contour méditerranéen, y compris le Maroc. C’est grâce au développement des sciences et de la médecine et à la découverte des médicaments et des vaccins que l’on commençait à en venir à bout, en limitant les dégâts et les ravages du passé.
- Nos grands explorateurs, savants et historiens nous ont laissé des témoignages précis des évènements qu’ils ont eux-mêmes vécus, tels qu’Averroès, Avicenne (voir annexe), Ibn Batouta, Ibn Hatimah ou Ibn Khaldoun et tant d’autres. Entre le 12e et la fin du 14e siècle, les médecins parmi eux nous ont laissé des descriptions précises du fléau, de sa contagion et des premières dispositions à prendre pour stopper sa propagation et étouffer son foyer. Des tentatives de recherches de ses causes profondes, de l’agent de son déclenchement et des voies empruntées pour se transmettre, entre les animaux (les rats et les puces, etc.) des animaux aux hommes et entre les hommes… Bien avant que l’Europe ne découvre le fléau et ne se consacre à en étudier les causes et les conséquences, ente la fin du 14e et le 15e siècle.
Ibn-Batouta - IBN BATOUTA (né à Tanger-Maroc, en 1304 et mort à Tanger-Maroc, en 1377). Grand voyageur en son temps où il parcourra 120.000 kms durant 30 ans. Il arrivera jusqu’aux Indes et en Chine et laissera des témoignages très précis sur les mœurs, les coutumes et les cultures des peuples qu’il visite. Il sera témoin des ravages que la ‘’peste noire’’ fera dans la ville de Damas où il y était en escale, en 1348. Ibn Batouta nous décrit l’expression de la grande piété de la population, dans son livre ‘’RIHLA » », en ces termes: « Tous les habitants de la ville, hommes, femmes, petits et grands prirent part à cette procession. Les juifs sortirent avec leur Torah et les chrétiens avec leur Évangile, et ils étaient suivis de leurs femmes et de leurs enfants. Tous pleuraient, suppliaient et cherchaient un recours auprès de Dieu, au moyen de ses livres et de ses prophètes ». Cette épidémie, passera ensuite en Europe et emporta la moitié de sa population et celle du Moyen Orient.
A Damas, fin Juillet 1348, début du déclenchement de l’épidémie, le vice-roi Anghur Shah ordonne à la population damascène un jeûne. Dans sa ‘’RIHLA’’, Il note ce qui suit :
« Aussi la population jeûna pendant trois jours successifs, le dernier étant un jeudi, quand s’assemblèrent dans la Grande Mosquée princes, nobles, juges, théologiens et toutes les autres classes de la population, jusqu’à ce que le lieu soit plein à craquer, et ils y passèrent la nuit à prier et à chanter des litanies.
Après la prière de l’aube le lendemain matin ils sortirent tous à pied, brandissant des Corans, les princes marchant nu-pieds. Toute la population de la ville se joignit à la procession, hommes et femmes, grands et petits. Les Juifs vinrent avec leur Livre de la Loi et les Chrétiens avec leur Évangile, tous avec leurs femmes et leurs enfants. L’ensemble des participants, priant, suppliant et cherchant la faveur de Dieu à travers Ses Livres et Ses Prophètes, se dirigèrent vers la Mosquée des Empreintes de Pas, et ils restèrent là en supplication et en invocation jusqu’au midi du jour suivant.
Ils retournèrent ensuite à la ville et célébrèrent l’office du vendredi, et Dieu allégea leur affliction ; car le nombre de morts à Damas en un seul jour n’atteignit pas deux mille, alors qu’au Caire et au Vieux Caire il atteignait le nombre de vingt-quatre mille par jour. »
(Source : Traduit de « Travels in Asia and Africa, Ibn Battûta, 1325 – 1354, dans la série “The Broadway Travellers »).
- Ibn Hatimah (né vers 1300), poète et médecin arabo-andalou, auteur du Taḥṣīl ġaraḍ al-qāṣid fī tafṣīl al-maraḍ al-wāfid(« Réponse à la demande de qui désire étudier la maladie venue d’ailleurs »), important témoignage sur la peste noire en Espagne musulmane.
– Abū Ǧa‘far Ibn Ḫātima al-Anṣārī était un savant et un médecin d’Alméria qui assista au déclenchement de la Grande Peste en 1348 (qui sévissait aussi en Afrique du Nord), et y succomba d’ailleurs en 1368. Dans le présent ouvrage, il nous livre un témoignage des plus précieux sur la réaction médicale au fléau en Espagne musulmane médiévale. Ibn Hatimah s’interroge sur les causes terrestres et astrales de la pandémie. Il développe les différents traitement ou parades pour faire face et fait état d’un grand nombre de débats, de questionnements, pressentant le processus de la contagion.
– Lorsque la peste noire ou peste bubonique atteint Al-Andalus au xive siècle, Ibn Hatimah a émis l’hypothèse que les maladies infectieuses étaient causées par de petits micro-organismes qui pénètrent dans le corps humain et provoquent des maladies.
– A Almeria, en 1349, Ibn Hatimah note ce qui suit : « J’ai observé que parmi les habitants du Souk el Halk, à Almeria, où l’on revend les vêtements et la literie des malades morts, rares sont ceux qui ont échappé à la maladie. » « Lorsque la chaleur et l’humidité prédominent dans le tempérament de l’être humain, lorsqu’il est corpulent, surtout les jeunes femmes sensuelles et passionnées, il est plus prédisposé à prendre la maladie », et il définit ensuite la peste : « C’est une fièvre maligne qui tient à la corruption du tempérament du cœur […] Cette fièvre est plus souvent mortelle et s’accompagne d’une sensation de lassitude et de sueurs qui survient par accès, suivis d’angoisse […] L’épuisement apparaît le deuxième jour, la fièvre monte, les bubons sont souvent accompagnés de frissons. La fièvre peut être accompagnée de crachements de sang, et l’urine, normale au début, devient pourpre au deuxième ou troisième jour. On peut aussi voir survenir des étourdissements, des syncopes, des vomissements de bile qui se répètent continuellement. Il y a souvent, au début, des crampes, des sensations de froid dans les extrémités, des douleurs atroces sous les omoplates, puis la langue noircit et les gencives gonflent. ».
- Ibn al-Wardi, un des observateurs les plus connus, à Alep commence en ces termes la lettre qu’il écrit peu avant que la peste ne l’emporte le 18 mars 1349 : « Dieu est mon refuge dans toutes les adversités. Toutes mes possibilités sont en Dieu seul. La protection de Dieu n’est-elle pas suffisante pour son serviteur ? Ô Dieu ! Je prie pour notre seigneur Mahomet. Donne-lui la paix. Par égard pour lui, épargne-nous les assauts de la peste et donne-nous un abri.
» La peste sème l’effroi et la mort. Elle commença dans le pays de l’obscurité. Oh, quelle visiteuse ! Elle courut pendant quinze ans. La Chine ne fut pas épargnée et ne put empêcher qu’elle pénètre dans ses forteresses les plus puissantes. La peste affligea les Indes, elle ravagea le Sind. Elle saisit dans ses mains, qu’elle referma comme un piège, le pays des Uzbeks. La peste augmenta et s’étendit plus loin, elle attaqua les Persans, bondit sur le pays des Khitaï et gagna au loin la Crimée. Elle affligea le Roum de ses charbons ardents et ravagea Chypre et les îles de l’archipel. La peste détruisit tout ce qui relevait du genre humain au Caire. Elle jeta les yeux sur l’Égypte et, à sa vue, le peuple s’éveilla soudain. Elle anéantit tout mouvement à Alexandrie. Elle s’abattit sur les belles manufactures de tapis et en exécuta les travailleurs selon les décrets du destin.
» Ô Alexandrie, cette peste est comme un lion qui étend ses griffes vers toi. Prends patience de cette peste fatale qui de septante vivants en laisse seulement sept.»( . Michael W. Dois, « Ibn al-Wardi’s Risalah al-naba an alwaba », Near Eastern Numismatics Iconography, Epigraphy and History Studies in Honor of George C. Miles,American University of Beirut, 1974 (traduction en anglais de la lettre d’Ibn al-Wardi). - De même au Caire, al-Maqrizi et son compilateur Ibn Tagribirdi ont, parmi les auteurs arabes, fait la description la plus longue et la plus complète de la Peste Noire, mais aussi la plus embrouillée, car al-Maqrizi écrivait sur des petits bouts de papier les faits qui lui revenaient à la mémoire ou qu’on lui contait, mais ne prenait pas la peine de mettre ses notes en ordre. Voici ce qu’ils disent sur l’origine, l’étiologie et la description de la maladie :
« C’est alors qu’éclata une épidémie de peste comme on n’en avait encore jamais vu depuis l’Islam […].» Cette épidémie était sans précédent, en ce sens qu’elle n’affecta pas une région à l’exclusion d’une autre, mais qu’elle s’étendit à toutes les parties de la terre, à l’Orient comme à l’Occident, au nord comme au sud ; en outre, elle engloba non seulement toute l’espèce humaine, mais aussi les poissons dans la mer, les oiseaux du ciel et les bêtes sauvages.»

- Ibn al-Khatib (né à Loja (Espagne) en 1313- mort étranglé dans une prison à Fes (Maroc) en1374*). Au xivesiècle un autre médecin andalou, Ibn al-Khatib (1313-1374). Au cours d’une épidémie de peste qui sévit en Espagne en 1348 , il nota (longtemps après) sa contagiosité et sa transmission entre animaux et recommanda l’isolement des malades et la destruction de leurs habits et linges. ; la notion de contagiosité en recommandant d’isoler les malades et de détruire leur linge. Il a décrit avec rigueur le développement et la propagation d’une épidémie en nous laissant un traité appelé Sur la peste, dans lequel il affirmait :
« L’existence de la contagion est établie par l’expérience, les investigations, les faits constatés par les sens et des études dignes de confiance. Ces faits constituent un bon argument. Le fait de l’infection devient clair pour le chercheur qui observe comment s’établit le contact avec la personne atteinte de la maladie, alors que ceux qui ne sont pas en contact sont épargnés, et la façon dont la transmission se produit par les vêtements, les navires et les boucles d’oreilles. ».
– Ibn al-Khatib sur la peste – .
(*) : A cause des turbulences politiques de l’époque et les rivalités entre les pouvoirs d’Afrique du Nord et Al-Andalous en Espagne, il fut obligé par deux fois de s’exiler en Afrique du Nord et se mit au service du gouvernement mérinide à Salé (en perte de vitesse et en déclin) où il vécut entre 1360 et 1363. A Fès (rivale de Salé), il est soupçonné d’être à la solde des adversaires (Mérinides de Fès, à leur apogée à l’époque), il est condamné à Grenade à la prison et transféré à la prison de Fès où il mourra étranglé par des émissaires du gouvernement de Salé en 1374 ; et ses livres furent brulés.*
- IBN KHALDOUN (1332 – 1406)
Ayant perdu ses parents, ses proches et certains de ses amis (savants, philosophes et hommes des sciences), en parle dans l’une de ses œuvres, ‘’Introduction à l’histoire universelle’’, en ces termes :
« Une peste terrible vint fondre sur les peuples de l’Orient et de l’Occident ; elle maltraita cruellement les nations, emporta une grande partie de cette génération, entraîna et détruisit les plus beaux résultats de la civilisation. Elle se montra lorsque les empires étaient dans une époque de décadence et approchaient du terme de leur existence ; elle brisa leurs forces, amortit leur vigueur, affaiblit leur puissance, au point qu’ils étaient menacés d’une destruction complète. La culture des terres s’arrêta, faute d’hommes ; les villes furent dépeuplées, les édifices tombèrent en ruine, les chemins s’effacèrent, les monuments disparurent ; les maisons, les villages, restèrent sans habitants ; les nations et les tribus perdirent leurs forces, et tout le pays cultivé changea d’aspect. […] Le niveau de civilisation décrut en même temps que le nombre d’habitants. […] Le niveau de civilisation décrut en même temps que le nombre d’habitants. […] Les dynasties et les tribus se sont affaiblies. La face du monde habité en fut changée […]. »
- – Mais, bien avant celle du Moyen Age, la Peste d’Emmaüs (ville située en Palestine)ravagea le Sham (actuelles Syrie & Palestine) vers l’an 639, après l’entrée de l’islam en 637 (du temps du successeur du Prophète, Omar Ibn al Khattab). La peste apparait peu de temps après, dans la ville et fera date car plusieurs des imminents compagnons du Prophète y périrent et le nombre des victimes atteindra les 25.000 personnes. Cette épidémie sera considérée comme une des résurgences de la peste justinienne qui s’était étalée du VI au VIIIème siècle.
- – De nombreux passages poétiques sont incorporés dans des chroniques historiques ou médicales, comme celles de Ibn al-Wardi(en est victime) (mort en 1349) d’Alep, ou d’Ibrahim al-Mimar du Caire. Les descriptions poétiques de la peste noire expriment l’horreur, la tristesse, la résignation religieuse mais aussi l’espoir des musulmans en situation épidémique104
- – En Occident comme au Moyen Orient et en Afrique du Nord, pendant longtemps ces calamites étaient considérées par les uns comme une émanation de la volonté divine parmi l’humanité pour ses péchés, d’autres les prennent comme les signes de la fin du monde proche. Alors qu’au 18e comme au 6e siècle, les gens ignoraient les vraies causes de ces fléaux et ne soupçonnaient pas toujours le rôle des rats et de tous les pestiférés dans la propagation de ceux-ci, notamment dans les zones urbaines, en pleine expansion, boostée par la révolution industrielle et l’accroissement des échanges commerciaux internationaux, à travers les voies maritimes et fluviales. Le tout était ramené à la fatalité et à la colère de Dieu. Ainsi, au 17e siècle, Jean de la Fontaine *, sous forme de fable, s’est exprimé sur la peste comme suit :
Voici ce qu’il a écrit sur la peste :
(Les Animaux malades de la Peste)
« Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom),
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés […] » (voir la suite en annexe)*
– A travers cette fable, Jean de La Fontaine met en place des personnages types qui correspondent chacun à des individus ou des groupes sociaux. Cette fable met en scène le bestiaire : groupe d’animaux où le roi est représenté par le lion, le ministre ou le jésuite (celui qui garde sa place en donnant raison au roi) par le renard, d’autres courtisans par l’ours et le tigre et un homme non courtisan (basse noblesse) par l’âne.
– Cette fable illustre la maxime « La raison du plus fort est toujours la meilleure » (La Fontaine, Le Loup et l’Agneau). C’est toujours le plus faible que l’on punit quand on a la force de le faire, c’est la loi des vainqueurs.
(*) : Jean de La Fontaine, né le 8 juillet 1621 à Château-Thierry (France) et mort le 13 avril 1695 à Paris (France), est un poète français de grande renommée, principalement pour ses Fables et dans une moindre mesure pour ses contes. On lui doit également des poèmes divers, des pièces de théâtre et des livrets d’opéra.
Au 20eme siècle, l’écrivain français Albert Camus* écrira un roman célèbre, sous le titre de ‘’LA PESTE’’, sur fond d’évènements réels qui se déroulent dans la ville d’ORAN en Algérie en 1940. Ce faisant, il en fait sortir une métaphore historique et politique, restée célèbre. Voici comment :
LA TRAME DU ROMAN.
L’intrigue du roman présente l’histoire d’une épidémie de peste qui sévit sur la ville d’Oran dans les années 1940. Des rats viennent mourir au grand jour ; ils portent le bacille de la peste. L’épidémie se répand dans la ville qu’il faut fermer ; le héros, le docteur Rieux – on apprend à la fin du livre que c’est lui en réalité qui relate les événements – est séparé de son épouse partie se soigner dans une ville voisine. À la fin du roman, Tarrou meurt et Rieux apprend par un télégramme que sa femme, elle aussi, est morte.
LA METAPHORE.
En 1955, Camus précise : « “La Peste”, dont j’ai voulu qu’elle se lise sur plusieurs portées, a cependant comme contenu évident la lutte de la résistance européenne contre le nazisme ». (Voir la suite en annexe)***
- Malgré la persistance en la croyance à la fatalité et la volonté divine chez les uns, une prise de conscience progressive va gagner du terrain quant à la dangerosité des transmissions de cette maladie. Transmissions essentiellement dues aux contacts avec des agents animaux, à la promiscuité des gens et au manque d’hygiène,… De plus, les quelques résultats positifs obtenus dans la limitation de la pandémie, même limités, suite aux précautions prises et à une multitude de ‘’remèdes’’ en tout genre, le peste s’arrête en Europe au 18e siècle et se fait oublier1. Néanmoins, elle y resurgira plus tard, à la fin du 19e et au début du 20e siècle. En effet, tous les ports d’Europe sont atteints entre 1894 et 1910. DE même, tous les autres territoires du Monde, jusque-là épargnés par la peste, sont aussi contaminées (notamment le reste de l’Afrique, Madagascar, l’Australie, le Japon, la Russie,…). C’est ce qu’on a surnomme la 3ème vague, faisant moins de dégâts humains que les 2 précédentes. Certains spécialistes attribuent ces limitations et même sa disparition aux effets écologiques et à l’apparition d’un bacille mutant issu du bacille pesteux, acquis par les populations lors des pandémies précédentes(2).
- L’Origine de la peste.
(2) : Quant à l’origine de la peste, certains historiens et chercheurs, estiment que son foyer est resté au cœur de l’Afrique et dans les côtes du Nord de l’Afrique (déjà signalée depuis l’Antiquité), d’autres penchent vers les confins de l’Himalaya, et enfin ceux qui attribuent son origine aux sources du Nil et, à partir de là, sa propagation vers le Nord et l’Orient.
- La Peste, arme biologique de guerre…
En 1348, Le siège de Caffa est une bataille du XIV e siècle opposant l’armée mongole de la Horde d’or de Djanibeg à la ville de Caffa, aujourd’hui Théodosie, qui fait alors partie de la Gazarie, un ensemble de sept ports situés en Crimée et appartenant à l’empire maritime de la république de Gênes (voir notes en annexe). L’histoire nous livre des exemples de telles « attaques bactériologiques : en 1422 le château de Karlstein, en Bohême, tenu par les hussites, est assiégé par les troupes de l’empereur d’Allemagne Sigismund. Les attaquants font jeter dans la ville des cadavres de soldats et des excréments d’animaux. Ces soldats sont supposés morts de peste, mais sans certitude. Cependant, selon J.-N. Biraben (1975, op. cit., t. I, p. 409), la peste est en Allemagne du Nord en 1421 et en Bohême en 1425, ce qui rend cette hypothèse probable. En 1710, à Reval en Estonie, durant leur guerre avec les Suédois, les Russes expédièrent les corps de leurs compagnons pestiférés dans la ville (H. H. Mollaret, comm. pers.). Le Dr Proust relate qu’en 1785, la tribu tunisienne des Nadis, touchée par la peste tandis que les chrétiens étaient encore épargnés, jetèrent des lambeaux de tissus et de vêtements infectés sur leurs ennemis, par-dessus les murailles (A. A. Proust, La défense de l’Europe contre la peste et la Conférence de Venise de 1897, Masson, Paris, 1897, 452 p.). La suite de ces utilisations, en même temps que d’autres ‘’armes bactériologiques’’, nous est amplement connue, durant les 2 grandes guerres mondiales et durant ces 2 premières décennies du 21e siècle (Irak, Syrie, etc…).
- Ailleurs, dans d’autres régions du Monde, apparemment la peste, comme d’autres maladies contagieuses, n’a pas disparu3.
- En Chine. L’Encyclopédie impériale, publiée à Pékin, sous les ordres de l’Empereur Kang-Hsi, en 1726, signale sa présence depuis 224 avant J.C jusqu’en 1718 après J.C. ainsi que sa possible réapparition au 3e et aux 4 e siècles. Néanmoins, peu d’informations existent et rien n’est sûr sur sa présence, avant 610 après J.C, selon Wu Lien-Teh. Et selon ce dernier, citant Justus Hecker *, la maladie a ravage la Chine de 1333 à 1332, faisant 13 millions de victimes. Toujours selon lui, elle se propagea vers la mer noire (touchant la Bulgarie, les territoires tartares et Constantinople), puis l’Inde, la mer Caspienne, l’Arménie,…, Antioche et l’Asie Mineure. Et après, elle s’est dirigé vers l’Euphrate, Bagdad, l’Arabie** et arrive jusqu’en Afrique du Nord. C’est le chemin de la route de la Soie.
- Elle tua entre 30 et 50 % des Européens en cinq ou six ans (1347-1352), faisant environ 25 millionsde victimes. Ses conséquences sur la civilisation européenne s’avèreront longues, d’autant que cette première vague sera considérée comme le début explosif et dévastateur de la deuxième pandémie de peste, qui sera sporadique et dura jusqu’au début du xixe siècle4.
- Toutefois, durant la guerre des Cent ans en Europe, des historiens insistent sur l’influence de la peste sur le déroulement des opérations militaires, surtout en Méditerranée : la fin du siège de Caffa, la mort d’Alphonse XI lors du siège de Gibraltar, la réduction des flottes de guerre de Venise et de Gênes, l’ouverture de la frontière nord de l’Empire byzantin, la dispersion de l’armée de Abu Al-Hasan après la bataille de Kairouan (1348), l’arrêt de la Reconquista pour plus d’un siècle41, etc.
- Par ailleurs, cette pandémie provoque indirectement la chute de la dynastie Yuanen Chine, affecte l’Empire khmer et affaiblit encore plus ce qui reste de l’Empire byzantin (il connaîtra 9 vagues épidémiques majeures du XIVe siècle au XVe siècle (de 1347 à 1453) d’une durée moyenne de trois ans espacées d’une dizaine d’années. La peste touche particulièrement Constantinople, le Péloponnèse, la Crète et Chypre). Et comme il est déjà Cependant, l’Empire byzantin est déjà affaibli aussi par des défaites militaires, des guerres civiles ou des tremblements de terre, depuis le XIème siècle, la peste noire accentue son déclin, sans le provoquer. Devenu moribond, il finira par rendre l’âme et tomber face aux Ottomans en 1453. Ces derniers en seront victimes à leur tour depuis, et jusqu’ au XVIe siècle.
- En attendant, elle a belle et bien persisté, puis que de 1642 à 1899 5, elle fera 1,5 million et plus d’ 1 autre million entre 1911 et 1949 6.
(*) Justus Hecker, (historien allemand : 1795-1850), ‘’La mort noire au XIVe siècle’’.
(**) En effet, au Maroc, par exemple, pour se déplacer d’une région vers une autre, sans être attaques par les bandits de grands chemins (les voyages se faisaient à pied ou à dos d’animaux et n’étaient pas sûrs), les gens se faisaient vêtir de peaux puantes d’animaux (chevaux, bovins, moutons, chèvres et chiens,…Cela leur permettait de prétendre leur infection par la peste ou d’autres maladie infectieuses ; on les laissait tranquilles et on les fuyait. Il ne leur venait pas à l’idée, se faisant, que les puanteurs qui émanaient de ces déguisements, faisaient effectivement fuir aussi tous les autres agents de transmission et de contagion de la pandémie, à savoir toute sorte de puces et de pestiférés. Ce n’est qu’après coup que cela a été reconnu. En plus, ça a encouragé à l’isolation des malades, à la fermeture des lieux d’habitation et à la destruction de leurs outils et effets personnels par le feu et la chaux, au gel de certaines marchandises, a la mise en quarantaine des villes et leurs habitants, et même à l’interdiction d’abordage des navires voulant rentrer dans les ports, la circulation entre les villes et les cités. Toutes ces mesures ont énormément aidé à freiner la propagation du fléau durant les temps modernes.
- A. Proust, La défense de l’Europe contre la peste et la Conférence de Venise de 1897, Masson, P (…)
- Quant à l’origine de la peste, certains historiens et chercheurs, estiment que son foyer est reste au cœur de l’Afrique et dans les côtes du Nord de l’Afrique (déjà signalée depuis l’Antiquité), d’autres penchent vers les confins de l’Himalaya, et enfin ceux qui attribuent son origine aux sources du Nil et, à partir de là, sa propagation vers le Nord et l’Orient.
- Wu Lien-Teh et al, 1936.
- La peste eut d’importantes conséquences démographiques, économiques, sociales et religieuses. Les sources documentaires sont assez éparses et couvrent généralement une période plus longue, mais elles permettent une approximation assez fiable. Les historiens s’entendent pour estimer la proportion de victimes entre 30 et 50 % de la population européenne, soit entre 25 et 45 millions de personnes (Bruno Halioua, Histoire de la médecine, Masson, 2004, p.272, « La grande peste ou peste noire », p. 103.
Les villes sont plus durement touchées que les campagnes, du fait de la concentration de la population, et aussi des disettes et difficultés d’approvisionnement provoquées par la peste (chute de la production céréalière dans les campagnes).
Au niveau mondial, il faut ajouter les morts de l’empire byzantin, du monde musulman, du Moyen-Orient, de la Chine et de l’Inde, dont les données sont peu connues. Adrien Philippe estimait les pertes comme suit :
« Le tiers au moins de la population européenne a été emportée par le fléau. L’Europe comptant aujourd’hui 210 millions d’habitants (en 1853), on peut sans exagérer porter à 110 millions la population de ce continent au XIVe siècle [ce chiffre parait aujourd’hui surestimé, on pense que l’Europe pouvait avoir 75 millions d’habitants]. Cette partie du monde a donc perdu 37 millions d’habitants, auxquels il faut ajouter les 13 millions de la Chine [selon l’historien arabe Aboul Mahassen (1411-1470) cité p 13], et les 24 millions des autres contrées de l’Asie et de l’Afrique (du Nord) [Rapport fait au Pape Clément VI, cité p 15] : ce qui élève le total pour le monde entier à 74 millions. C’est le minimum. » [Adrien Philippe, p 138-139].
- idem Wu Lien-Teh.
- Au Yunnan en 18405, au Yunnanfu en 18666, à Pakkoi en 18877, A Hong-Kong, en 18948, elle ne fera pas moins de 100.000 morts, … Cela est considéré comme le départ de la 3eme vague, amplifiée par un trafic maritime dense et qui atteindra les 2 Amériques, épargnées jusqu’alors.
- Pollitzer, la peste, OMS, Série de Monographies, 1954
- Wu Lien-Teh, J.W.H.Chun, R.Pollitzer et C.Y.Wu, Plaque Weinhengshu National Quarantine Servi […], 1936.
- Girard, 1977.
- Citation de F.Gallen, Approche historique des trois pandémies de peste humaine, Epistémologie et prophylaxie […]
- Homsy, histoire de la Peste en Egypte, Thèse de Médecine, 1908, Faculté de Médecine de Paris, Paris, France.
- En Inde. Dès 1812, L’Inde, sous domination anglaise, paiera le prix le plus fort en vies humaines4. Déjà signalée depuis le 11e siècle dans le livre sacre de Bhagavat Purana (qui remonte au 12e siècle). Et avant la relance et la propagation de la 3eme vague (qui durera de 1894 a 1945), elle est présente entre 1812 et 1821 (Kutch, Guzerat, Kattyawar), entre 1836 et 1838 (Rajputana), en 1896 (Bombay) 5. Le bilan dans le continent sera de 12 millions de victimes dont la moitié rien qu’en 1898.
- En Arabie, au Proche Orient et au Moyen Orient, la Peste refera surface en 1853, en 1858 (Tripolitaine), en 1863 en Perse, en 1866-67 en Mésopotamie et d’autres régions de l’Asie. Cette grande épidémie, survenue entre le 14e et le 18e siècle, est considérée par les historiens comme un fléau mondial ; elle touchera 3 continents : l’Asie, l’Afrique du Nord et l’Europe.
- Au MAROC, particulièrement…
- de 1776 à 1782, le pays a connu, durant 6 ans de suite, ce qui a eu des conséquences catastrophiques au niveau économique et démographique. Ces dernières seront encore plus accentuées de 1790 à 1792, en plus d’une guerre contre l’Espagne et les révoltes des tribus, en raison des tributs et des restrictions qui leur sont imposes. Le pays sera dispute entre 2 frères s’en sort avec 2 pouvoirs, l’un a Fès pour Capitale et l’autre Marrakech. C’est en 1797 qu’il sera de nouveau réunifié. A la suite de cette période, le Maroc sera soumis à une période ‘’salafiste’’ (rapprochement avec le ‘’wahabisme’’ en plein essor en Arabie)’, de fermeture sur l’étranger et d’interdiction de tout mouvement soufisme. Cette période durera entre 1792 et 1822 et provoqua la révolte et l’hostilité des tribus à travers tout le pays, de l’Atlas et du Rif en passant par les Jbala où la ‘’zaouia Ouazzanya’’ est fort influente.
- Et des 1844, au Maroc, les villes de Tanger et d’Essaouira (appelée Mogador à l’époque) seront bombardées par l’armée française (après sa colonisation de l’Algérie et le soutien du Maroc à l’Emir Abdelkader en 1839 (entré en rébellion contre cette colonisation). Vaincu dans la bataille d’’Isly (1844) et Affaibli, l’Espagne, quant à elle, va lui imposer une autre guerre entre 1859 et 1860 (prétextant des incidents survenus entre la ville de Sebta et les habitants de ses alentours (Région d’Anjra). Défait, le pays va perdre la ville de Tétouan qui finira par être occupée par l’Espagne. Auparavant, La ville de Chaouen avait échappé de peu à l’occupation, en raison de la pandémie qui a contamine l’armée portugaise, puis espagnole (du Temps du règne de ‘Al Mandri’, sa femme ‘Al Horra’ qui lui succéda et leurs successeurs après eux**.
- Fort endetté par les tributs colossaux imposés par la France et l’Espagne et les besoins du pays pour remédier aux conséquences causées par les calamites, les guerres et les disettes dues aux longues périodes de sècheresse, le Sultan Hassan Ier* accède au trône en 1873. Désireux de faire face aux dettes héritées et de moderniser le pays (il procède aux 1ersenvois de groupes de jeunes d’étudiants marocains vers l’Europe et le Moyen Orient pour y suivre leurs études et s’imprégner des expériences de ces pays en essor), il fera face aux émeutes et à la résistance des élites du pays (notamment à Fès) qui étaient farouchement opposées à ces envois (prétextant qu’ils étaient contraires aux mœurs et aux croyances du pays. Ceux-ci étaient hostiles à toute ouverture vers l’étranger et à la modernité, mais surtout craignaient pour leurs pouvoir et privilèges privés.).
(*) :Hassan (en arabe الحسن بن محمد , dit ultérieurement Hassan Ier (en arabe : الحسن الأول), né en 1836 à Fès et mort le 7 juin 1894 à Tadla, est un sultan Alaouite du Royaume chérifien, qui a régné du 16 septembre 1873 à sa mort le 7 juin 1894. Hassan Ier avait à diriger le Maroc à un moment crucial de son histoire. Le pays était soumis à une très puissante pression des différentes puissances impérialistes dont La France, l’Espagne, l’Angleterre et l’Allemagne ont des visées sur le royaume, à travers les conférences de Tanger (1877-1878) et de Madrid (1880). Le pays déjà fortement endetté, va encore les alourdir. Et il aura a faire face a des révoltes qui éclatent, notamment à Fès, à Meknès et dans le Moyen-Atlas et dut mener des expéditions dans le Souss en 1882 et en 1886, dans le Rif en 1887, au Tafilalet en 1893. Mais, voulant moderniser le pays et le faire sortir de son isolement et des politiques suivies auparavant et hérité de ses prédécesseurs et du surendettement du pays (notamment sous le règne de Souleymane, entre 1792 et 1822 et plusieurs révoltes des villes et des tribus et les humiliantes défaites militaires face aux espagnoles et aux français durant la période qui suivit jusqu’en 1873 : année de son accession au trône)), arrives à son paroxysme, il souhaitait moderniser le pays et rattraper les nations avancées du Monde. Et conscient de l’importance qu’avaient la formation et l’acquisition des sciences et techniques modernes.
C’est pourquoi, entre 1874 et 1888, il envoya huit missions marocaines d’études totalisant pas moins de 350 personnes, dans les différents pays d’Europe et en Egypte. Toutes les réformes économiques, sociales, financières et militaires initiées par le sultan Hassan Ier n’atteignent pas leur objectifs, face à la fraiche réception, sinon à l’hostilité de l’élite des Oulémas du pays, considérant ces démarches contraires à l’identité religieuse du pays. En réalité, cette élite craignait pour sa position de domination et ses propres privilèges auxquels elle tenait. A la conférence de Madrid tenue en 1880, les puissances étrangères, déclarant le Maroc ‘’homme malade’’ à assister, lui imposent un système de protection de ‘’privilégiés’’ locaux et le droit d’acquérir des biens et des terres dans le pays.
Notons au passage que le Japon traversait la même situation, à cette époque, que le Maroc et avait entamé les mêmes démarches que lui; le résultat est visible au jour d’aujourd’hui entre le Japon et le Maroc.
Hassan 1erva mourir lors d’une expédition punitive contre la région de Tadla en 1894, au Sud du pays, et laisse 2 héritiers qui se disputeront le trône, l’un à Marrakech et l’autre à Fès (Abdelhafid et Abdelaziz ; le 1er finira par l’emporter sur le second.).
(**) : Abu Hassan Ali Al-Mandri (arabe : أبو الحسن علي المنظري), dit Sidi Al-Mandri, né à Grenade au xve siècle, vers 1440 et mort à Tétouan à une date inconnue entre 1505 et 1540, est un chef militaire grenadin et alcalde de Píñar, réfugié au Maroc avec ses troupes et une partie de la noblesse grenadine dans les années 1480 fuyant l’avancée chrétienne dans le sud de la Péninsule Ibérique1.
Établi après son exil dans la ville de Chefchaouen, il est chargé par le sultan wattasside Muhammad ibn Yahya en 1484 de fortifier le site de Titawen (Tétouan), détruit par les Portugais un demi-siècle auparavant et où une communauté de réfugiés andalous s’est établie. Il est ainsi considéré comme le fondateur de la ville de Tétouan.
L’histoire lui retient son rôle militaire très important dans le harcèlement permanent des places occupées par le Portugal, notamment Ceuta, Azila et Tanger.
Al-Mandri gouverne Tétouan de 1485 jusqu’en 1505. Son épouse Sayida al-Horra, fille de Ali ben Rachid Al-Alami, lui succède. Ses descendants gouverneront la ville jusqu’en 1567.
- Les puissances européennes de l’époque, la France, l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, etc. à l’affut, après la révolution industrielle, déclarent le Maroc ‘’homme malade’’, expression qui précèdent traditionnellement l’invasion et la colonisation d’un pays (c’est ce qu’ils ont fait concernant l’Empire Ottomane, ceux de l’Iran et de la Chine). C’est ce que la conférence de Madrid, en 1880, préfigurait clairement. La mort subite du Sultan du Maroc en 1907 et la rivalité pour le trône entre ses 2 fils vont donner à la France l’occasion d’occuper la ville de Casablanca, dans un premier temps, après l’avoir bombardé.
- Des intellectuels marocains, inspirés par la ‘’Nahda’’(Renaissance) dans les pays arabes du Moyen Orient et la révolution des ‘’Mouvement des jeunes turcs’’ (représentés par Boubker Zniber, Mokhtar Soussi, Abou Chouaib Doukkali, Mohamed Ghazi, Bouchta Jamai, Abdellah Guennoun, entre autres. Le journal ‘’Lissan al Maghrib’’- la Voix du Maroc- sera leur porte-parole) appellent le 11 Octobre 1908 a la mise en place d’une nouvelle constitution ; projet qui n’aboutit pas à l’époque suite à la crise institutionnelle dans le pays et la pression étrangère. En 1912, le Maroc signe le traité du ‘’Protectorat’’ et sera partagé entre la France et l’Espagne jusqu’en 1956. Cette signature sera suivie par des émeutes, notamment à Fès, ce qui va causer le transfert de la capitale vers Rabat.
- Quant aux épidémies que le Maroc va connaitre à travers sa longue histoire, elles étaient toujours couplées avec des périodes de sécheresse, parfois très longues.
- Elles sont déjà largement évoquées et décrites au 13e siècle (l’époque des Mérinides : 13-14e), L’arrivée au Maroc des expulses de Grenade en 1493, qui amènent des épidémies avec eux, ravagea la population de la ville de Fès et de ses environs. puis au début du 16esiecle, en 1511-12, en 1521-23, en 1557 et en 1580 (année de la toux), retour de la peste, de la sècheresse et la famine entre 1597 et 1608, tout le pays est infesté et ravagé, à la fois, par la peste, la sècheresse et la famine (l’époque des Wattassides et des Saadiens : 16-17es ; l’armée ‘’wattasside’’ va perdre 1/9 de ses effectifs, l’invasion espagnole échoue à cause de la pandémie.). puis au 16esiecle (l’époque des Saadiens : 16-17es.). et enfin aux 18e et 19es. (Alaouites : 1792-…).
- Le Maroc connaitra une vague successive de sècheresse suivie de famines durant le 17e siècle : en 1661-63, 1779-82. Les pèlerins marocains, de retour au pays, vont aussi amener avec eux une des variantes de la peste d’Orient, qui sera surnommée ‘’peste tangéroise’’ et qui connaitra son point culminant dans le pays en 1818, notamment dans le Nord.
- comme dit le proverbe populaire ‘’un malheur ne vient jamais seul’’. Déclarée en Algérie, le Cholera va faire des ravages, de nouveaux, dans la population, successivement en 1834, 1854, 1868, 1878 et 1895.
- Des français tels que le Dr. René Rollier, a beaucoup fait pour éliminer la Lèpre, de à 1948 a1967, aidé par sa femme et son fils après son départ en Tunisie. .Mais (il nous a quittés en 1987).
- Avant eux, au Nord du pays, à Tanger, une autre personne aura beaucoup fait dans ce sens. Emily Keene*, surnommée ‘’Chérifa d’Ouezzane’’, en cette fin du 19e siècle. (*) : D’origine anglaise, née en 1849, arrivée à Tanger en touriste en 1872 et engagée comme gouvernante à la maison de l’ambassadeur américain, d’origine grecque, Perdicaris, elle se maria, un an plus tard, en 1873, avec le grand Cherif d’Ouezzane de Tanger, M. Abdeslam ben Larbi et rejoint la Confrérie ‘’Dar Dmana’’ à Tanger où elle séjournera jusqu’à sa mort en 1944. Durant ses 70 ans de vie à Tanger, elle ne cessa d’apporter aide et réconfort aux nécessiteux de la région. Elle sera la 1ière à introduire la vaccination dans le pays pour lutter contre toutes les épidémies qui sévissaient à l’époque, à commencer par la variole. Elle accueillera autour de 2000 personnes annuellement et forma des jeunes femmes pour l’aider dans cette mission. Introduit des régimes alimentaires, alternatifs à ceux pratiqués par la population, en vue de lutter contre les méfaits des maladies telles que la rougeole, les malformations, l ophtalmie, la hernie, …, la malnutrition et le manque d’hygiène. Pour couvrir les besoins des gens en médicaments, vaccins et autres, elle fera appel aux aides des ambassades et consulats des pays européens installés dans la ville. Même sous le protectorat du pays et après la mort de son mari en 1891, elle continuera sa mission d’aides diverses aux démunis jusqu’à sa mort à Tanger en 1944 où elle repose dans le cimetière prive de la ‘’Zaouia Ouazzania’’.
- En plus de ces différentes catastrophes naturelles et humaines (régressions démographiques des populations, exodes et déplacements entre les villes et les régions, arrivages d’autres populations venues d’ailleurs, entre autres les ‘’moriscos’’ fuyant les persécutions et les dérives unificatrices de la monarchie catholique (en Espagne et au Portugal) et les ‘’mouradores’’ (populations européennes installées à demeure dans les villes occupées) , les conséquences des guerres et des luttes et des révoltes tribales ont laissé aussi leurs empreintes. Citons parmi les guerres perdues par le Maroc, celle contre le Portugal (en 1415 suivie par l’occupation de la ville de Sebta en 1436), la France, l’Espagne et l’Angleterre, aux 15e,16e et 17e siècles, qui finit par la colonisation des côtes et des villes du pays (Sebta, Mélilia, Essaouira, Safi, Larache, Asilah, Salé, Tétouan, etc. Et les différentes épidémies vécues par le pays sont survenues en 1322-24, en 1348, 1360 et en 1441. Le Maroc a eu d’énormes dettes et intérêts à payer en 1881, 1914, 1920, …
- Avec le débarquement des armées françaises en 1911, ces fléaux les ayant accompagnés, le Maroc va connaitre…, entre 1912 et 1938, une succession d’épidémies telles que la fièvre typhoïde, la variole, la peste, la dysenterie, le paludisme, la lèpre, la tuberculose, Au Souss (sud du pays), par exemple, ne disparaitra que vers 1930, à coup de vaccinations collectives. La France se souciait essentiellement du réservoir de la main d’œuvre. Parmi les moyens mis en œuvre pour faire face à ces maladies, la mise en quarantaine des malades, la désinfection des espaces de vie et de travail, l’éradication des rats et des poux, et autres insectes transmetteurs des maladies, imposition de cordons sanitaires entre villes et régions, …faute d’une vaccination valable et efficace des populations dans le pays.
- La famine prendra le relais, entre 1939 et 1945, provoquant le déplacement de populations entières entre les régions et les villes. De 1960 à 1970, la gale apparait et sera surnommée par la population ‘’Amal hayati, hok belati’’ (nom emprunte a une fameuse chanson arabe d’Oum Keltoum, ‘Amal hayati’ –l’espoir de ma vie-). Et récemment encore, entre 1980 et 1990, tout récemment encore, le Cholera réapparait. Il a fallu de vastes compagne de sensibilisation sur l’importance de la prévention et a l’hygiène, pour les faire disparaitre, du moins a diminuer leur ampleur. C’est le typhus et ses variantes qui auront fait des ravages sur la population du pays en 1927-28 et en 1937-38. Tandis qu’au Nord du [pays, la peste espagnole de 1918 atteindra le pays aussi et décimera une partie de la population du Rif, vidant des villages et des villes entières de leur population.
- Quant aux années des ‘’BOUN’’-introduits au pays en 1944-, entre 1940 et 1945 durant la seconde guerre mondiale), elles ont permis à la France et à l’Espagne de mettre la main sur les récoltes du pays pour subvenir à leurs propres besoins alimentaires et a ceux de leurs armées (leurs pays étaient engagés dans la 2ième guerre mondiale). Ajouter à cela les besoins du système en place, l’entretien de la classe dirigeante et la mauvaise gestion des finances de l’état qui n’ont pas aidé à l’amélioration ni des caisses de l’état, ni celui du niveau de vie des populations qui ont souffert de la misère. Nos différents chroniqueurs et historiens nous ont largement éclairés sur ces périodes.
- Et enfin, en ce début du 21esiecle, début de l’année 2020, la dernière épidémie que le Monde entier connait, y compris le Maroc, est nommée ‘’Covid-19’’ ou ’’Coronavirus’’. Cette fois-ci, la quarantaine des populations est imposée, les déplacements des populations, parfois interdits, sont strictement règlementés et les vaccinations sont souhaitées et encouragées, plus dans les pays riches du Nord que dans les pays pauvres du Sud. Les 6 millions de citoyens vivant à l’étranger, il leur est interdit de se déplacer aussi facilement vers et de ‘’pays’’, le rapatriement des défunts pour inhumation dans le pays natal est tout simplement interdit, même s’ils sont dans des coffres plombes et imperméables (‘’on a peur de la contagion de la maladie’’). La psychose et la peur s’emparent des populations, les rumeurs, des fausses informations comme les vraies circulent sans distinction, les spéculations et des théories de complots aussi, des manifestations de protestation sont organisées un peu partout, contre le manque de communication, la tentation de la généralisation de la vaccination (un pass pour pouvoir travailler, voyager, etc.).
- Malgré les efforts entamés, dans le pays, dès son indépendance en 1956 et en complément avec ce que les occupants avaient entamé, en termes d’édification de centres médicaux et d’hôpitaux à travers toutes les villes, il reste encore beaucoup à faire. Quant aux compagnes, elles sont loin d’être toutes servies En effet, ni les infrastructures de base ne sont suffisantes, ni les soins et les médicaments destinés aux populations ne sont disponibles pour tous. Au contraire, le système hospitalier dans le pays est dans un piteux état aujourd’hui, s’il n’a pas fait marche arrière par rapport à ce qui existait déjà avant. Apparemment l’état marocain a désinvesti ce système, comme pour l’enseignement public par ailleurs, et a laissé les mains libres au secteur privé, qui n’est pas non plus des plus efficaces.
Bruxelles, le 20 septembre 2021.
Ahmed Mahou.
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Annexes :
(*) : AVERROES (Ibn Rochd (en arabe : ابن رشد, Ibn Rushd) : né à Cordoue en 1126, mort en à Marrakech au Maroc en 1198.),
est un philosophe, théologien, juriste et médecin musulman andalou de langue arabe du xiie siècle.
(**) AVICENNE : (Ibn Sina en arabe : ابن سینا ), né le 7 août 980 à Afshéna, près de Boukhara, dans la province de Transoxiane (actuel Ouzbékistan) et mort en juin 1037 à Hamadan (Iran), est un philosophe et médecin médiéval persan. Rédigeant principalement en arabe classique, il s’intéressa à de nombreuses sciences, comme la médecine, l’astronomie, l’alchimie, la psychologie, etc.
Il décrit aussi la rage des chiens, loups, renards et chacals qu’il attribue à un excès de bile noire par consommation de chair en putréfaction ou d’eau polluée et considère cette bile noire cause principale de très nombreuses maladies.
Toutefois son sens critique et son expérience personnelle lui permettent d’être plus précis que ses devanciers. Il distingue la pleurésie, la médiastinite et l’abcès sous-phrénique (abcès situé sous le diaphragme). Son diagnostic différentiel entre rougeole et variole est plus explicite que celui de Razi.
Avicenne participe à la distinction entre lèpre et éléphantiasis (au sens moderne). Sa description d’une lèpre débutante (perte du tiers externe des sourcils, voix rauque, zones anesthésiques cutanées, perte de jeu des muscles faciaux) sera utilisée comme procédure de diagnostic précoce plus sûr en Occident médiéval39. Et face à la peste noire de 1348, les médecins occidentaux n’auront comme sources principales qu’Avicenne (Canon) et Razi (Almansor ou Kitab al-Mansouri fi al-Tibb) à partir desquels ils publieront d’innombrables traités de peste durant les xive et xve siècles
Ses œuvres principales sont l’encyclopédie médicale Qanûn (« Canon de la médecine ») et ses deux encyclopédies scientifiques le Livre de la guérison (de l’âme) et Danesh-e Nâma (« Livre de science »). Dans son Qanûn, il opère une vaste synthèse médico-philosophique avec la logique d’Aristote, combinée avec le néo-platonisme, élevant la dignité de la médecine comme discipline intellectuelle, compatible avec le monothéisme. Son influence sera prédominante dans l’Occident médiéval latin jusqu’au xvie siècle.
À la fin du xxe siècle, les idées d’Avicenne retrouvent un intérêt historique car il s’agit d’un domaine traité par les sciences cognitives. Pour beaucoup, Avicenne en est un précurseur qui commence à concrétiser le déroulement des opérations mentales comme courants d’échanges dans un système d’aires cérébrales.
(*) : Ci-dessous un des poèmes d’Ibn al-Khatib chanté par la chanteuse libanaise FAYROUZ : “ Ô temps de nos amours en terre d’al-Andalous
que la pluie qui tombe te soit bénéfique
Nos amours de jadis ne sont plus qu’un rêve évanescent
Éphémère comme l’instant que l’on ravit furtivement.”
جادك الغيث إذا الغيث هما ***** يا زمان الوصل بالأندلـس
إذ يقود الدهر أشتات اللمى ***** ينقل الخطو على ما يرسـم
زمـرا بين فـرادى وثنـا ***** مثلما يدعو الوفود الموسـم
والحيا قد جلل الروض سنا ***** فثغور الزهـر منـه تبسـم
وروى النعمان عن ماء السما*****كيف يروي مالك عن أنـس
فكساه الحسن ثوبـا معلمـا *****يـزدهي منه بـأبهى ملبـس
في ليال كتمت سـر الهـوى*****بالدجى لولا شمـوس الغرر
مال نجم الكأس فيها وهـوى***** مستقيم السير سعـد الأثر
وطر ما فيه من عيب سـوى *****أنـه مـرّ كلمـح البصـر
“Fî layâlin katamat sirra l-hawâ bi-l-dudjâ law-lâ shumûsa l-ghurari
Mâla nadjmu l-ka’si fî-hâ wa-hawâ mustaqîma al-sayri sa‘da al-athari
Watarun mâ fî-hi min ‘aybin siwâ anna-hû marra ka-lamhi al-basari”
“Les nuits auraient couvert le secret de nos amours
du voile de leur obscurité
si les fronts des belles semblables à des soleils
ne l’avaient révélé par leur clarté.
Les étoiles de nos coupes s’inclinèrent […]
Moments de désir qui n’ont d’autre défaut
Que celui d’être passés aussi vite qu’un clin d’œil
حين لذ الأنس شيئا أو كما*****هجم الصبح هجوم الحرس
غارت الشهب بنا أو ربمـا *****أثرت فينا عيون النـرجس
À l’instant même où nous goûtions le plaisir d’être unis
Le matin tomba sur nous comme une armée en furie
Et les étoiles filantes sur nous fondirent
À moins que ce ne furent les yeux des narcisses qui nous affectèrent.”
Source : Le blog de litterature.arabe.adab.over-blog.com
Un espace de diffusion des textes fondamentaux de la littérature arabe classique et moderne. Des textes en arabe, une interprétation musicale et une traduction en français pour initiés et non-initiés.).
(**) : (Les Animaux malades de la Peste)
« Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom),
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés […] » (voir la suite en annexe)*
À chercher le soutien d’une mourante vie ;
Nul mets n’excitait leur envie ;
Ni loups ni renards n’épiaient
La douce et l’innocente proie.
Les tourterelles se fuyaient :
Plus d’amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : « Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux ;
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattonsn. 7 donc point ; voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,
J’ai dévoré force moutons.
Que m’avaient-ils fait ? Nulle offense ;
Même il m’est arrivé quelquefois de manger
Le berger.
Je me dévouerai donc, s’il le faut ; mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
– Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse.
Eh bien, manger moutons, canaille, sotte espèce.
Est-ce un péché ? Non non. Vous leur fîtes, Seigneur,
En les croquant beaucoup d’honneur;
Et quant au berger, l’on peut dire
Qu’il était digne de tous maux,
Étant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire. »
Ainsi dit le Renard ; et flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l’Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L’Âne vint à son tour, et dit : « J’ai souvenance
Qu’en un pré de moines passant,
La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net. »
À ces mots, on cria haro sur le baudet.
Un Loup, quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
– Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, éditées à Paris (France) pour la 1 ère fois en1678. 1678. (Wikisource)).
(***) la suite du livre ‘’LA PESTE’’ d’Albert Camus :
…La peste est l’allégorie du nazisme, une grave maladie politique contagieuse et mortelle encore dénommée « la peste brune ». La population représente les victimes du nazisme, les Juifs en particulier ; la peste disparue, les survivants montrent une capacité d’oubli troublante. Cottard est celui qui tire profit de l’occupation allemande pour s’enrichir. Paneloux représente l’impasse d’une religion qui ne condamne pas clairement l’horreur humaine du nazisme. Grand, fonctionnaire sans envergure, se révèle toutefois utile par ses tâches administratives. Tarrou, Rieux, puis Rambert, sont les résistants qui s’engagent contre l’occupant. Rieux fait observer dans les dernières pages que cette peste du totalitarisme, même si elle se fait oublier, demeure tapie et peut resurgir.
(*) : Albert Camus, né le 7 novembre 1913 à Mondovi (aujourd’hui Dréan), près de Bône (aujourd’hui Annaba), en Algérie, et mort accidentellement le 4 janvier 1960 à Villeblevin, dans l’Yonne en France, est un écrivain, philosophe, romancier, dramaturge, essayiste et nouvelliste français. Il est aussi journaliste militant engagé dans la Résistance française et, proche des courants libertaires, dans les combats moraux de l’après-guerre.
Son œuvre comprend des pièces de théâtre, des romans, des nouvelles, des films, des poèmes et des essais dans lesquels il développe un humanisme fondé sur la prise de conscience de l’absurde de la condition humaine mais aussi sur la révolte comme réponse à l’absurde, révolte qui conduit à l’action et donne un sens au monde et à l’existence. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1957.
Dans le journal Combat, il prend position aussi bien sur la question de l’indépendance de l’Algérie. (Source : Wikipédia consulte le 12 Septembre 2021.).
Sources et consultations.
- Wikipedia consulte a plusieurs reprises entre le 1eret le 20 septembre 2021.
- Jean-Noël Biraben dans mensuel 11, daté avril 1979, ‘’La Peste Noire en terre d’Islam’’.
Notes d’explications.
- – Le phénix : parfois écrit phœnix(du grec : phoînix, au sens probable de « rouge sang »), est un oiseau légendaire, doué d’une grande longévité et caractérisé par son pouvoir de renaître après s’être consumé dans les flammes. Il symbolise ainsi les cycles de mort et de résurrection. Son surnom moderne est l’oiseau de feu.
– Bien qu’associé à la mythologie grecque, des oiseaux fabuleux semblables au phénix se trouvent dans la mythologie persane sous l’appellation de Simurgh ou Rokh, chinoise sous le nom de Fenghuang, amérindienne : l’Oiseau-tonnerre ou aborigène en Australie : l’Oiseau Minka. Et ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du 17e siècle qu’il se fera associe, en Europe, au faisan doré (Georges Cuvier,1769-1832), à l’oiseau de paradis et au flamant rose.
– Le phénix est originaire d’Arabie et rattaché au culte du Soleil dans l’ancienne Égypte, où il était vénéré. Selon les auteurs classiques grecs et latins, c’était une sorte d’aigle au plumage éclatant, rouge et or, ou bien multicolore. Solin, par exemple, décrit son aspect (Polyhistor, chapitre 34)1.
– « Là aussi naît le phénix, qui a la grandeur de l’aigle, la tête ornée de plumes formant un cône, des caroncules à la gorge, le cou rayonnant d’or, le reste du corps de couleur pourpre, si ce n’est la queue, qui est d’azur éclatant et semée de plumes incarnat. »
– Il n’existait jamais qu’un seul phénix à la fois ; il vivait très longtemps : de cinq cents ans à plusieurs milliers d’années selon les auteurs.
– Le phénix se reproduit lui-même à l’identique : quand il sent sa fin venir, il construit un nid d’aromates, cannelle, encens et autres ; il y met le feu, bat des ailes pour attiser les flammes et s’y consume. Une fois réduit en cendres, il en renaît oisillon…
Le Maghreb déchiré
- La Peste Noire, les périodes de sècheresse, plus ou moins longues (4,6 et 8 ans de suite), les disettes et les famines qui s’en suivirent, en plus des turbulences et des révoltes tribales provoquant l’instabilité politique et l’impossibilité de la mise sur pied d’un pouvoir central fort et unifié, sont les raisons d’une décadence. Cette dernière sera amplifiée par les résurgences périodiques, tous les dix ou douze ans, de la maladie, durant une période d’environ 2 siècles. Même sous l’Empire ottoman, la société musulmane ne retrouvera pas la prospérité économique et la stabilité sociale à laquelle elle était parvenue dans plusieurs pays avant le milieu du XIVe siècle.
- Même par ses seuls effets immédiats, la Peste Noire a joué un rôle politique peut-être plus important dans les pays musulmans qu’en Europe occidentale.
- Au Maghreb, le drame est celui de l’unité. Après l’effondrement de l’Empire almohade au milieu du XIIIe siècle, l’Afrique du Nord s’est fragmentée en de nombreux émirats rivaux, souvent instables et peu durables. Seules les dynasties des Mérinides de Fès à l’Ouest, et celle des Hafçides de Tunis à l’est, y forment des pôles de rassemblement assez constants. La mort du calife hafçid Abou Bekr, en 1346, suivie presque aussitôt de celle de son héritier légitime assassiné par son frère, provoque une nouvelle crise. Pour endiguer l’anarchie le chancelier de Tunis, Ibn Tafragin, et les nomades arabes font appel au Mérinide Abou al-Hassan. Ce dernier entre en grande pompe à Tunis le 15 septembre 1347.
- Très vite cependant, les nomades arabes qui avaient fait appel à lui se révoltent contre son administration et son autorité. La défaite qu’ils lui infligent près de Kairouan le 10 avril 1348 ne semble pas aussi décisive que certains l’ont cru. Mais, lorsqu’il se replie sur Tunis pour reconstituer ses troupes, il trouve la ville désemparée devant l’irruption de la peste qui fait très vite des ravages effrayants, balayant aussi les garnisons et les administrations qu’il avait installées quelques mois auparavant. Quelques mois plus tard, il renvoie au Maroc son conseiller Abou Moussa avec une partie de son armée qui sème la peste partout sur son passage. En décembre 1349, contraint de renoncer à son entreprise, Abou al-Hassan regagne par mer le Maroc où il va mourir, prisonnier de son fils révolté. Ainsi la Peste Noire a fait échouer une tentative de réunification du Maghreb, déterminé le début de la décadence de la dynastie mérinide et plongé l’Afrique du Nord dans la misère économique et l’instabilité politique. Le royaume de Grenade, enfin, sans l’appui du Maghreb, n’est plus qu’un État résiduel, en sursis, le temps que l’Espagne retrouve ses forces.
- La peste est présente au Proche-Orient dès le premier pas de la conquête arabe. En 638, en effet, alors que le calife Omar envahit la Syrie et la Palestine, une terrible épidémie de peste ravage le pays. Elle est désignée par les auteurs arabes sous le nom de « peste d’Emmaüs», village de Palestine dans lequel elle a commencé à se manifester. Plus de 25 000 soldats sont emportés. La famine s’y ajoute l’année suivante, et l’élan de l’offensive contre les Byzantins est brisé. Omar rassemble à Sargh tous les chefs militaires et, après leur consultation, décide de retirer l’armée de toutes les régions infectées. Se référant à l’interdiction faite par le Prophète lui-même, de son vivant, de pénétrer dans un territoire où règne une épidémie.
- Cette décision d’Omar, dite de l’évitement, est capitale car elle va, pendant des siècles, servir de référence et conditionner l’attitude générale des musulmans devant la peste. Elle est interprétée de nos jours par certains auteurs musulmans comme une des premières applications de l’isolement.
- La peste continuera à sévir ensuite périodiquement au Proche-Orient, jusqu’en 763 où elle atteint Bagdad, la nouvelle capitale fondée depuis deux ans seulement. Puis, mystérieusement, elle disparaît.
- Les épidémies qui suivent n’ont ni la périodicité, ni en général la gravité (sauf celles de 1056-1057, 1200-1201 et 1295-1297), ni enfin l’extension des épidémies de peste : selon toute vraisemblance, il s’agit de maladies contagieuses différentes.
- C’est presque six siècles après sa disparition que la peste revient, et cette fois avec une brutalité inouïe.
- Le siège de Caffa en 1347. Après deux ans de siège, les armées mongoles sont contraintes de se retirer après avoir été décimées par la peste noire, qui contamine également les Génois après que Djanibega décidé de projeter par-dessus l’enceinte de la ville des cadavres pestiférés. À la suite de cet acte de guerre bactériologique, l’épidémie se répand rapidement à Caffa et contraint les Génois à abandonner eux aussi la ville après la levée du siège par les Mongols.
- La dispersion des marchands italiens en Méditerranée, transportant avec eux des ratsinfestés de puces, est à l’origine de la deuxième pandémie de peste à travers toute l’Afrique du Nord (à partir de Tunis) puis en Europe.
Ahmed Mahou
Septembre 2021