Dépêches

L’éducation sanitaire

Chatar Said
Chatar Said

Première partie

L’organisation médico-sanitaire ne peut assurer la santé de la population par des soins globaux, continus et intégrés dans une conception technocratique, indépendamment d’un développement équilibré de tous les objectifs de la promotion humaine : éducation, culture, réalisation professionnelle, logement, environnement, responsabilité politique… Pour éviter son caractère formel, surmonter les obstacles auxquels elle peut se heurter et devenir un moyen de promotion humaine et sociale, l’éducation sanitaire devra être intégrée en tenant compte de ces éléments fondamentaux dans le choix de ses objectifs et de ses moyens.

Dans les lignes de force de nos précédents points de vue sur les soins de santé, l’on trouve que la promotion de la santé nécessite la participation active et effective de la communauté et des individus aux prises de décisions à tous les échelons. La compétence technique ne peut avoir le monopole de la décision en matière de santé, elle doit surtout se consacrer à fournir une information objective, base nécessaire et préalable de toute décision.

Cette option implique la participation de la communauté et des individus à l’élaboration et à la réalisation d’une politique de santé publique ; elle suppose leur sensibilisation et motivation préalable, tout autant que leur aptitude et leur volonté permanente d’agir. Elle implique une éducation sanitaire menée de façon permanente qui devient un élément déterminant de la décision politique en matière de santé publique.

Cette action sanitaire se développe suivant un processus d’échanges permanents entre ceux qui prennent l’initiative de l’action éducative et ceux à qui elle s’adresse, alternant leurs rôles respectifs de manière continue au cours de cette activité de promotion de la santé.

Caractéristiques de l’éducation sanitaire

L’éducation sanitaire apparait comme l’élément fondamental de la participation de la communauté à l’élaboration et à l’application d’une politique de santé. En expliquant à la population que chacun est responsable de sa propre santé et de celle des autres, nous rendons plus sensible à chacun son rôle déterminant dans le choix d’un comportement personnel aussi bien que collectif ; ainsi la population sera-t-elle sensibilisée à l’idée qu’il sera possible d’améliorer et de promouvoir la santé pour tous. Cette démarche permet une démocratisation de la politique sanitaire au plein sens du terme. Si chaque individu préalablement informé des méfaits de la drogue, de la cigarette, décide de renoncer à en user, non seulement il deviendra un partisan d’une action informative sur ces problèmes, mais il sera tenté de faire partager son expérience à d’autres et consentira plus volontiers à ce que la collectivité investisse des sommes importantes pour lutter préventivement contre le tabagisme, la drogue (cannabis, « karkoubi »…).

Toutefois, une information insuffisante ou erronée empêche le bénéficiaire éventuel de s’adresser de manière adéquate au service de dispensation de soins. L’accessibilité de l’organisation sanitaire n’est pas déterminée uniquement par les moyens financiers (par une égalisation financière ou par une apparente gratuité laissant en fait la charge à la collectivité), mais encore par la disparition des préjugés, des entraves psychologiques qu’une éducation adéquate peut renverser. Il ne s’agit pas seulement de maladies inavouables (sida, etc.), mais aussi en raison de l’opposition à certains examens de dépistage tel que le cancer du sein et du col utérin.

L’éducation sanitaire a pour vocation de transformer les relations qui s’élaborent entre le bénéficiaire et le système de dispensation de soins. Relations qui gardent trop souvent la consultation du « sorcier » (voir nos précédents articles). D’aucuns rejettent irrationnellement les services de dispensation de soins, d’autres s’y soumettent en abdiquant tout sens critique ou toute responsabilité personnelle. L’éducation sanitaire peut rétablir dans la relation patient-médecin ou individu-organisation médico-sanitaire un élément de rationalité consciente qui maintiendra et développera le sens de la responsabilité individuelle et collective, qui est nécessaire au plein épanouissement mental, social et physique des individus, c’est-à-dire  à leur santé.

Aussi l’éducation sanitaire ne pourra se développer scientifiquement chez les individus d’une population considérée qu’à partir des approches de travail préalables qui consistent en les tables pluridisciplinaires auxquelles participent, à côté des médecins et des paramédicaux, au moins un expert en psychologie sociale, ainsi que des représentants de la communauté.  Ce procédé ou plutôt cette méthodologie qui permettra une meilleure évaluation des actions éducatives, assurera aussi une décision éclairée par une connaissance objective des conditions socio-culturelles de la population.

Enfin, la méthodologie de l’éducation sanitaire implique au départ une étude scientifique. Le choix des objectifs, la formulation de l’action éducative, le choix des moyens mis en œuvre, doivent résulter d’une recherche collective préalable (médico-psycho-sociale). L’étape ultérieure consistera à tester la compréhension de l’action éducative, simultanément à la détermination de la situation de départ dans un groupe restreint, en tenant compte des variables psycho-sociales du groupe et des relations opérationnelles entre le groupe(s) et le service(s) qui appliquent la méthode choisie. La comparaison continue entre les résultats projetés et les résultats obtenus doit permettre de corriger l’action, avant de l’appliquer à toute la population envisagée mais aussi au cours de sa généralisation. (à suivre)

Saïd  CHATAR

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